Cabanes

 

Cabanes

Militant borné de la brigade anti-rêve, bétonneur forcené de nos jardins secret ... il ne manque pas, même au COMAC, de lieux communs outrés sur l'uranien adulte dans toute son horreur. Mais Max Cabanes a beau voir l'hyper-rationnelle planète dominer son ciel à l'opposé de la Lune, on serait bien en peine de le trouver dans ces lieux-là. Tant par son sens aigu du découpage, par sa plume exacte et nerveuse aux hachures affinées, que par sa maîtrise de la narration fantasmagorique, il a su mettre au service de son imaginaire la planète qui précisément le menaçait au premier chef.

Pressentant et redoutant la mort de ses rêves pour cause d'adultisme généralisé, Cabanes depuis son plus jeune âge en a tenu journal. Et ce fut la source de son œuvre la plus attachante et la plus personnelle : la série "Dans les Villages", riche déjà de quatre beaux albums. Pressée par la planante menace du non-e uranien, l'existence intensive des sous-dominantes Vénus et Neptune devait à tout prix se manifester. Au double-carré de la dissonance majeure Lune-Uranus en signes de totalisation, la fragile poche de vie fantasmatique palpite à l'orée de l'équinoxe, là où l'absolu n'a plus cours. Vive le contingent, le relatif, le temps rythmé par un cœur qui s'émeut, bondit et oscille de confiance en peur, de peur en confiance ... Vitale esquive entre les totalitarismes également mortels de la veille lucide et du sommeil de plomb.

Au pays des rêves de Cabanes, en effet, de monstrueuses anti-jôles risquent de vous ratatiner peu à peu et de vous endormir sans espoir de retour. Les plus mal en point sont les zymphes, gros emplumés lymphatiques à deux doigts de sombrer dans l'inexistence. Les plus malignes sont les chenapouilles, combattant la léthargie fatale par mille facéties. Les plus touchants, ce sont Julienne et Jean-Marie, les deux petits merdouzilss, frêles anthropoïdes aux grands yeux de E.T, qui galopent de frayeurs en étonnements à la recherche de leur ami disparu ...

Quant à ce jeune homme assis devant son feu depuis l'an mille, tout médiéval qu'il soit, il s'appelle sûrement Max Cabanes. Il a perdu de vue un jour la Crognote, et tente désespérément de retrouver son image dans les flammes dansantes. Car il s'est rendu compte qu'il avait le pouvoir de donner vie aux images nées de la contemplation du feu ...
Un processus très Soleil-Vénus en l'occurence, puisque notre "rêveur de réalité " aspire, dit-il, à matérialiser "un être pur, un bonheur simple ". Et qui ne reconnaîtrait le Soleil en Vierge de Cabanes dans ce feu qui brûle depuis toujours et n'accepte d'être questionné que dans un seul endroit, dans le grand âtre d'un château " à la frontière de l'ombre et de la lumière " ?

Hélas, au lieu de la Crognote attendue, il n'a réussi au fil des siècles qu'à créer tout ce bestiaire aberrant. La Crognote était absente, loin dans le T ... C'était prévisible, Neptune a parasité Vénus, Uranus a parasité le Soleil, et le désir de bonheur simple du rêveur est sans cesse déçu, contrecarré par sa complexité intérieure. Comme l'autre Balance neptunien, Don Quichotte, Cabanes repart de plus belle à la conquête impossible de Dulcinée, ferraillant héroïquement contre ses dragons à grands coups de porte-plume bien pointus.
Mais lui, il reste bien à l'abri, solidement arrimé à son Soleil Vierge et sa table à dessins. Il ne se lasse pas de voir d'inquiétantes choses s'y promener, le soir entre chien et loup, dans la lueur magique de sa lampe. La Crognote finira bien par venir.